Sunday, November 21, 2010

ALLEMAGNE-CAMEROUN: CHICGOUA NOUBACTEP " NOUS DEVONS COMMENCER À DEVENIR EXPERTS NOUS MÊMES"

ALLEMAGNE-CAMEROUN: CHICGOUA NOUBACTEP " NOUS DEVONS COMMENCER À DEVENIR EXPERTS NOUS MÊMES"

Chicgoua Noubactep:Camer.beÀ l'occasion de la sixième Journée Scientifique Africaine organisée le 16 Octobre 2010 à Frankfurt am Main par ADI e.V. (African Development Initiative), nous avons fait la connaissance de l'association « Culture et Développement Durable » en abrégé CDD e.V.. La présence de ses membres-chercheurs fut très impressionnante vue de la qualité et de la substance de leurs exposés. C'est ainsi que nous l'avons approchée pour un entretien. Cette association fut créée en 1998 à Göttingen en Allemagne par des étudiant(e)s camerounais(e)s; elle a entre autres, comme objectifs, nous précise le chercheur africain Mr. Chicgoua, l'un des membres engagés de ladite association, d'octroyer chaque année des bourses dans différents domaines aux étudiant(e)s africain(e)s résidant en terre africaine.
Merci Chicgoua, comme convenu, nous allons nous tutoyer. Alors, tu es membre de l'Association CDD.  Peux-tu la présenter pour nos lecteurs et lectrices?
Le CDD e.V. est une ONG de droit Allemand dont le siège se trouve à Göttingen en Allemagne. Elle a été créée en 1998 par des étudiants camerounais qui se rencontraient de manière informelle pour parler de tout et de rien, et une fois par semaine pour jouer au football. Puis un matin ils se sont demandés : « pourquoi ne pas formaliser cette histoire ? » C'est l'occasion pour moi de rendre un vibrant hommage au premier Président de l'association, le Dr. Jean Marie Sobzé, et à tous les autres concitoyens qui constituent avec lui le groupe des fondateurs. Je remercie également tous ceux qui ont milité au sein du CDD e.V. pendant les 12 dernières années et notamment l'équipe dirigeante actuelle avec son brave Président, le Dr. Chérubin Noumissing Sao. Je tiens à rappeler ici que le CDD e.V. est ouvert à tout le monde, sans exception.
Ce que nous faisons au CDD e.V. c’est exactement ce que les autres font ailleurs, c’est-à-dire essayer d’être différent. Nous avons parcouru l´histoire et nous avons fait la connaissance d’un anti-esclavagiste Allemand du nom de Georg Schweinfurth (29.12.1836 - 19.09.1925). Ce grand homme est à nos yeux une personne qui n’a pas accepté l’Afrique par pitié. Pour lui, nos ancêtres avaient une logique différente de celle dans laquelle il a grandi, la logique occidentale. Le Professeur Schweinfurth croyait en l'Afrique lorsqu'il déclarait au Caire en Égypte le 22 Mars 1878: «Ich habe Afrika gesehen, und habe es noch vor Augen, wie es ist, als großes Haus der Knechtschaft, nicht wie es sein sollte, als das ungeheure Gebiet einer freien Mitarbeit an den Gesamtaufgaben der Menschheit. An einem endlichen Siege der guten Sache sowie an der Zukunft des schwarzen Menschengeschlechts werde ich nie zweifeln».
Traduction?
Voici une traduction libre que je pense assez fidèle: «J’ai vu l’Afrique, je l’ai encore devant mes yeux comme elle est, en tant que le grand temple de la servitude, pas comme elle devrait être, c’est à dire un immense domaine pour la libre contribution aux grands défis de l’humanité toute entière. Je ne douterais jamais ni de la victoire finale de la bonne cause, ni du futur glorieux de la race noire», un texte très profond.
Lydie Seuleu, ma noble sœur, je ne sais pas si tu comprends comme moi. Nous sommes esclaves, un étranger s’apitoie sur notre sort mais croit fermement à notre avenir, un avenir glorieux. Voilà le message que le CDD e.V. apporte à tout le monde entier ! Et pour avoir lu « La Tragédie du Roi Christophe » de papa Aimé Césaire, je pense que ce message s’adresse un peu plus à la Race Noire qui doit croire en elle même. Le CDD e.V. veut porter ce message à chaque Africain et je me réjouis d'avoir ici l'opportunité de le passer à vos lecteurs.
Merci Chicgoua, peux-tu revenir à la signification de CDD e.V. ?
CDD est l’abréviation de « Culture et Développement Durable » (Kultur und Nachhaltige Entwicklung en Allemand). C'est sous ce nom que notre association a été déclarée et légalisée auprès de l'administration. Quoi que nous ayons de grandes difficultés avec le mot «développement», nous croyons que la culture est la base du bien être, de «l’état de bonheur permanent» (Georges Moustaki) de l’Africain. Nous vivons sans complexe notre culture en Occident. L’association a été créée, je te l’ai dit, par des Camerounais francophones. Nous nous demandons encore si nous devons maintenir ces initiales en Français.
Pour nos lecteurs et lectrices, quelle est la corrélation entre « Culture » et « Développement Durable »?
Nous pensons que la culture est la base du progrès. Pour mesurer le chemin parcouru il faut savoir d’où on est parti. Quand j’emprunte l’expression « état de bonheur permanent » à Georges Moustaki, c’est parce que vivre sa culture c’est avoir une identité et en être fière. Accepter son identité c’est le commencement de la sagesse, le début du progrès, je le dirais. Quand on sait qui on est, on peut savoir quoi prendre de l’autre en faisant un progrès mais aussi et surtout que faire pour avancer. Nous devons cesser de chercher des experts en des choses qui ne nous servent pas forcément à grand chose et commencer à devenir experts nous mêmes, afin d’être mieux armés pour la défense de notre propre cause.
Tout à l'heure, tu disait que l'association a été créée par des Camerounais francophones et que vous vous demandez si vous devez maintenir ces initiales en Français. Pourquoi ?
Merci Lydie pour cette question clé. L’association est maintenant ouverte au monde entier. À l’origine elle était une association de Camerounais. Le statut modifié a été validé récemment (Printemps 2010). Étant donné que l’association est enregistrée en Allemagne, il ne nous semble plus adroit de laisser les initiales en Français.
Que faites vous concrètement au sein du CDD e.V.?
Les membres vivant en Allemagne se rencontrent six fois par an, de façon rotative chez les membres de l’association. Lors de nos assises nous nous échangeons des nouvelles, discutons des problèmes culturels et de nos objectifs. Nous participons aux foires culturelles organisées par le conseil d´intégration (Integrationsrat) de la ville de Göttingen. Nous organisons une fois par an des journées culturelles à Göttingen. Tu nous as d’ailleurs honorés par ta présence à la dernière édition de Juillet 2010.
Comme je l’ai dit tantôt, nous voulons rappeler aux Africains qu’ils sont valeureux et puissants, et que le poids de l’esclavage, de la colonisation et de la post-colonisation sur notre cher continent n’a rien changé à notre génie créateur. Nos parents ont maîtrisé la métallurgie longtemps avant que le premier musulman ne vienne de l’Orient. Je ne parle même pas des Occidentaux. Et ils avaient des « hauts-fourneaux » roulants. Aujourd’hui des professeurs des universités occidentales essayent de travailler en collaboration pour comprendre ce que ces «primitifs» avaient réalisé il y a 500 ans et plus. Et nous, leurs fiers descendants, qu’est-ce qui nous empêcherait d’aller plus loin? C’est ce message qu’il faut apporter à notre peuple. Cette information est plus importante que tout. Je suis fier de nous la rappeler. Ça signifie pour nous que quel que soit ce que l’autre peut faire, nous le pouvons aussi et même plus. Maintenant, qu’est ce qui correspond à notre besoin ponctuel? Quelles sont les réponses que nous apportons? Nos débats et nos présentations publiques tournent autour de ces questions. C’est pour cela que je suis encore ce jour à Francfort pour la sixième Journée Scientifique Africaine qu’organise "African Development Initiative" (ADI e.V.). Une association pour laquelle nous n’avons qu’admiration.
J’ai dit aussi que nous essayons de nous distinguer des autres. La première des choses, c’est que nous finançons nous-mêmes nos déplacements et l’essentiel de nos activités. Il y a eu des années où nous avons fonctionné de manière autarcique et la contribution annuelle était de 100 euro par membre. Maintenant nous sommes à 60 euro. Notre budget doit nous permettre d'assurer le fonctionnement de l'association: Couvrir les dépenses relatives aux frais administratifs, aux déplacements pour les séances ordinaires, à l’organisation des journées culturelles  et pour offrir au moins trois bourses de recherche par an à des étudiants Africains.
Tu viens de parler de bourses de recherche. De quoi s’agit-il exactement ?
C’est le point essentiel sur lequel nous faisons la différence. Ce ne sont pas nous, les membres du CDD e.V., qui allons identifier et solutionner les problèmes de l’Afrique. Nous avons beau être Africains, certains d’entre nous ont quitté le terroir depuis plus d’une décennie ou sont partis trop jeunes. Voilà pourquoi nous mettons à la disposition des étudiants faisant un mémoire sur un problème local (et vivant sur le sol Africain) une somme de 150 euro payable en trois tranches. Un mémoire, c’est bien connu, se termine le plus souvent avec plus de questions que de réponses.
Nous sommes conscients que trois bourses pour toute l’Afrique, c’est insignifiant. Il fallait commencer quelque part. Jusqu’ici, ces bourses ont pu être attribuées grâce aux contributions des valeureux membres de l’association que je tiens à remercier personnellement pour leur dynamisme et leur dévouement à la cause Africaine. Cependant, il nous faut de nouvelles sources de financement pour offrir plus de bourses. Nous sommes actuellement en train de nouer des contacts avec d’autres associations non gouvernementales et des âmes de bonne volonté qui peuvent nous aider dans l’accomplissement de cet immense projet de société envers l’Afrique.
Pour réunir le budget de ce projet de bourse sans trop surcharger les membres qui sont de tous les horizons, y compris des étudiants du premier cycle universitaire, nous avons dû réduire de moitié le nombre de nos rencontres annuelles. Pour combler le vide créé par l’espacement des rencontres physiques, nous communiquons beaucoup par courrier électronique (e-mail). Nous sommes à la recherche de nouveaux membres (membres à part entière ou membres associés). Ceci est une invitation personnelle pour Lydie Seuleu et chaque lecteur et lectrice de Camer.be .
N’êtes-vous pas trop sélectif en vous limitant aux étudiants qui font un mémoire ?
Non, pas du tout. Pour résoudre un problème, il faut le connaître. En encourageant un étudiant dans cette petite phase de son travail, nous espérons contribuer à accroître le nombre de chercheurs qui aideront le monde à mieux se connaître, c’est à dire à mieux résoudre ses problèmes. Tout passe par la connaissance, par la recherche de la connaissance. Voilà l’essence de notre action.
Par rapport aux bourses, quels sont les domaines de recherches privilégiés par la CDD? Et pourquoi?
A priori, toutes les candidatures sont recevables, Toutefois, le problème posé par le sujet doit être local. Il peut donc relever de la logistique, l’agriculture, l’eau potable, l’environnement, etc.
Combien de bénéficiaires y-a-til eu jusqu'ici ? Que faîtes-vous des résultats de leurs recherches ?
La bourse est à sa troisième édition. Si mes souvenirs sont exacts, trois étudiants ont déjà bénéficié de la bourse CDD e.V. Tous les trois étaient inscrits dans des universités différentes dans la province africaine du Cameroun. Parmi eux, il y avait un étudiant originaire de la province Centrafricaine. Malgré nos efforts de publicité nous n’avons pas encore atteint le grand public. Nous avons en vision un modèle qui permet à une bonne volonté (y compris parmi nos membres) de financer une ou plusieurs bourses parce que le budget ne l’aurait pas permis même comme le projet de recherche est vraiment bon.
Comme je l’ai dit tantôt, nous encourageons des étudiants qui travaillent sur des sujets définis par leurs encadreurs ou peut-être par eux-mêmes, nous n’avons pas la paternité des travaux de recherche de ces étudiants. Nous souhaitons comme tout sponsor être remercié dans le mémoire final. Les lauréats sont tenus de nous remettre un rapport de leurs travaux de recherche. Le rapport est apprécié par une commission désignée à cet effet, et qui rend compte au groupe. Ce que nous avons en fin de compte c’est cette information partagée et la satisfaction d’être une partie de l’effort. J’espère avoir répondu à ta question.
Un appel particulier à la communauté africaine!
Je voudrais rappeler à la Communauté Africaine que notre essence, on pourrait dire notre raison d’être c’est notre dévouement pour la société. Connaître est bon, mais mettre la connaissance et tout autre talent au service du grand nombre a toujours était la caractéristique de l’Africain. D’où vient-il que nous essayons de nous identifier par d’autres considérations? Y a-t-il quelque chose qui vaudrait vraiment mieux que « la majesté des souffrances humaines » (A. de Vigny) ? Alors mon appel à la Communauté Africaine sera une prose de Alfred de Vigny « Ailleurs tous vos regards, ailleurs toutes vos larmes, Aimez ce que jamais, on ne verra deux fois ». Aimez l’homme, célébrez son bien-être, aimez son progrès et, si vous le pouvez et que la distance vous le permet, adhérez au CDD e.V., créez des cellules du CDD dans votre localité de sorte que nous puissions penser globalement et agir localement, Merci !
Un dernier mot!
Merci à tous ceux qui m’auront lu jusqu’à ce dernier mot. Merci d’aimer l’Afrique, chaque jour un peu plus. Que les Dieux des lieux sacrés nous protègent tous, partout où nous nous trouvons. Longue vie à Camer.be!
Comment vous contacter?
L’adresse de notre association CDD e.V est la suivante :
Verein für Kultur und Nachhaltige Entwicklung (CDD e.V.)
Postfach 1502
37005 Göttingen
Email: lahli_98@yahoo.com
URL: www.cdd-ev.org
© Camer.be : Propos recueillis par Lydie Seuleu

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