Sunday, November 21, 2010

ALLEMAGNE- CAMEROUN: CHICGOUA NOUBACTEP "CERTAINS FORAGES CONTIENNENT DES POLLUANTS AUSSI DANGEREUX QUE L’ARSENIC ET L’URANIUM"

ALLEMAGNE- CAMEROUN: CHICGOUA NOUBACTEP "CERTAINS FORAGES CONTIENNENT DES POLLUANTS AUSSI DANGEREUX QUE L’ARSENIC ET L’URANIUM"

Chicgoua Noubactep:Camer.beCette semaine, dans notre rubrique langues et cultures africaines, nous avons déniché pour vous un chercheur Africain vivant à Göttingen, ville universitaire entre Hannover et Kassel en Allemagne. Göttingen est située à environ 250 Km de Frankfurt am Main. Chicgoua Noubactep, puisqu’il s’agit de lui, nous révèle qu’une technologie ancestrale peut résoudre le problème d’approvisionnement en eau potable partout en Afrique. [...) Pour assurer la santé des populations, il faut connaître la nature de l’eau le premier jour et le contrôler régulièrement.  Dans le meilleur des cas le contrôle est fait par des laboratoires indépendants et les résultats sont publiés dans la presse et affichés à la commune ou chez le Chef de Quartier par exemple
Vous ne vous êtes pas vraiment présenté avant votre exposé, en dehors de nous dire que vous venez de Göttingen et que vous êtes membre de l’association culturelle CDD e.V.  Pouvez vous vous présenter à nos lecteurs et lectrices?
Bonjour Lydie et merci pour l’honneur. Je dis bonjour à tous les lecteurs et toutes les lectrices de Camer.be. Je voudrais d’emblée te prier de ne pas me vouvoyer. Je suis un Africain qui parle Français. Les Africains ont d’autres formes d’exprimer le respect qui n’a rien à voir avec «multiplier» les gens, pour reprendre Jean Miché Kankan (Paix à soin âme). En Allemand c’est «Ils» qui est la forme de respect. En Afrique, on se tutoie et on se respecte à notre manière. Si je ne te connaissais pas de nom, je t’aurais appelée spontanément «noble sœur», «Princesse», «Reine» ou tout simplement «maman» ça c’est la proximité naturelle que je vis au quotidien.
Je suis Chicgoua des Noubactep. Vos lecteurs me connaissent déjà; puisqu’en Juin 2010 Camer.be a interviewé un Noubactep, mon noble cadet Kouadjo. Je suis de la même Dynastie. J’ajouterais seulement que je suis un pur produit de Lycée de Bangangté (Lybang), un noble fils de l’ASPRO – Association des PROfesseurs du Lybang. En plus je suis un supporteur inconditionné de La Panthère Sportive de Bangangté (Nzuimanto, Panthère du Ndé - Fauve de l’Ouest) – Détenteur de la coupe 2009 de la Région Africaine nommée Cameroun.
Merci Noubactep, nous allons donc nous tutoyer. Tu es un spécialiste en eau potable, quelle est la différence entre un puits d'eau et un forage?
Je ne sais pas si je suis aussi spécialiste que ça. Je suis Chimiste de formation et je puis juger la qualité chimique d’une eau. Cependant mes connaissances générales me disent que la différence entre un puits et un forage se trouve au niveau de la profondeur. Généralement un puits a une profondeur de quelques mètres (disons jusqu’à 10 – 15 m, juste indicatif) alors que les forages sont plus profonds, jusqu’à plus de 50 mètres. La profondeur dépend de l’hydrologie du site. Des fois on ne trouve l’eau qu’à des profondeurs considérables, des fois on traverse une nappe superficielle pour aller à la suivante, aux suivantes.
Pourquoi va-t-on plus en profondeur?
La raison est simple: les eaux superficielles contiennent des microbes (bactéries, virus). En allant plus bas on espère que le sol épais a filtré les pathogènes ou qu’ils sont tous morts sur le long chemin vers les profondeurs. Vu sous cet angle, tu conviens avec moi qu’un forage non protégé ne sert à rien.
Aller en profondeur est une idée originale, mais la nature est parfois folle. En allant en profondeur on trouve les métaux lourds dont une consommation prolongée (même à très faible dose) est la cause de plusieurs formes de maladies chroniques dont le cancer n’est qu’une forme courante. Si je me suis bien exprimé, les forages peuvent être un danger. Les récents récits de la province Africaine du Ghana nous disent que certains forages contiennent des polluants aussi dangereux que l’arsenic et l’uranium.
Pour assurer la santé des populations, il faut connaître la nature de l’eau le premier jour et le contrôler régulièrement. Dans le meilleur des cas le contrôle est fait par des laboratoires indépendants et les résultats sont publiés dans la presse et affichés à la commune ou chez le Chef de Quartier par exemple.
Sur quels critères creuse-t-on un puits d'eau / un forage?
Je ne sais pas si des critères existent. Je sais que dans la province Africaine du Cameroun, sous région Ouest, des Élites offrent des puits ou des forages aux populations. Il faut que l’Afrique établisse des normes fortes qui assurent que les dons bien intentionnés soient effectivement un service pour les populations.
Quelle est la qualité de l'eau qui sort d'un puits d'eau / d'un forage?
Il y des normes qu’une eau doit respecter pour être potable. Les normes nationales sont basées sur les recommandations internationales venant des organismes comme l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Des fois il y a des normes appropriées pour certaines régions. Mais les normes doivent être connues du consommateur, de chaque consommateur. Plus, le respect des normes doit être contrôlé de manière transparente et indépendante.
Devant tous ces dangers que présentent l’eau et l’étendue lacunes organisationnelles comment peut-on boire de l’eau potable dans les zones rurales en Afrique?
Il m’est essentiel de préciser que le problème n’est pas purement Africain. C’est un peu partout qu’il manque de l’eau propre. Les résidus des produits pharmaceutiques et des produits de beauté on été trouvés dans l’eau de consommation dans tous les pays industrialisés. En dehors de la hollande presque tous les autres pays utilisent les oxydants pour désinfecter l’eau stockée avant la distribution. Mais les sous-produits de désinfection sont toxiques et expliquent l’emploi des filtres domestiques ou le recours à l’eau minérale embouteillée.
Il existe sur le marché dans les villes africaines divers filtres à eau. Personne ou presque personne ne contrôle la qualité ni l’efficacité de ces filtres. Presque tous les filtres ont un caractère spécifique puisque le matériau filtrant réagit spécifiquement avec certains polluants et pas avec d’autres. Quand on connaît le degré de pollution de l’eau et la nature du contaminant on peut choisir le filtre le plus approprié. Mais ta question concerne une eau à qualité inconnue, qui est soupçonnée (à raison peut-être) de ne pas être potable.
Tu conviens avec moi qu’il faut un filtre très spécial, qui retient tous les polluants possible. Il est difficile de trouver un matériau ayant cette caractéristique. Heureusement le fer existe! Le fer existe et ce fer nous l’avons définitivement forgé avant que les premiers étrangers ne viennent chez nous. Le fer (acier) a la propriété caractéristique que sa corrosion produit des substances volumiques colloïdales qui fonctionnent comme une toile d’araignée et enferment tout les polluants dans leur structure en cristallisant. La «toile d’araignée» ne regarde ni la structure du polluant, ni sa taille. Pour cette raison un filtre contenant des particules de fer métallique devrait éliminer toutes les substances dissoutes de l’eau. Voilà comment avoir de l’eau propre partout en Afrique.
Non, Chicgoua, tu as été trop rapide. Filtrer de l’eau sur un lit de fer produit de l’eau potable?
Tout à fait! Cette technique a été démontrée au Bangladesh pour la filtration de l’eau polluée par l’arsenic. Les filtres, construits dans des pots artisanaux, étaient vraiment efficaces mais ont dû être abandonnés parce que le colmatage (perte de perméabilité) intervenait trop tôt, après quelques semaines seulement (8 à 24 semaines, c-à-d moins de 6 mois).
Le colmatage est dû, comme je viens de le dire, au fait que le fer «grossi» en s’oxydant. Comme ce n’est pas une réaction chimique spéciale qui traite l’eau mais notre fameuse «toile d’araignée», pour retarder le colmatage, il suffit de favoriser la production prolongée des «toiles d’araignée» en remplaçant une partie du fer par un matériau inerte comme le sable (qui ne «grossit» pas). Et hop, tu as un filtre durable.
Voilà le concept que nous avons mis sur pieds et que chaque personne, chaque commune, chaque cité peut utiliser pour produire de la bonne eau. A l’heure où je te parle des Africains travaillent sur l’optimisation des filtres dans la province Africaine du Cameroun. Je pense, je crois d’ailleurs que dans un an, je pourrais te donner une formule finie.
Quelle est l’origine de la métallurgie du fer dans ta région natale?
N’as-tu pas une question plus simple? Je pense que la métallurgie y existe depuis toujours. Nos ancêtres sont venu du Nord mais au Nord et au Sud du Ndé, il y a diverses formes de hauts-fourneaux. J’en ai vu à Bamena et à Balengou. J’ai soif de poser quelques questions à mon papa (oncle en Français) Taloh Njiokou à Balengou, depuis que je regarde son métier avec un autre œil.
Je pense que la métallurgie en général était réservée aux forgerons (Taloh) qui collaboraient avec leurs collègues des contrées voisines. Ils produisaient la quantité de fer qui correspondait aux besoins de leurs contrées. Je sais qu’il y avait des familles de forgerons très respectés. La terre en ma langue maternelle s’appelle Nsi et Dieu s’appelle Nsi. Je ne sais pas comment d’autres vont chercher Dieu au ciel et s’étonnent de ne pas l’y trouver.
La terre est sacrée et les seuls qui avaient le droit de la violer étaient maudits mais respectés. Les Familles des forgerons sont toujours respectées. A Bamena Batap, chacun vous montrera la concession de Taloh Njofang (Taloh = forgeron). Le quartier de Bamena appelé aujourd’hui Tchaya Optique a pour vrai nom «Tou’njou Taloh Pantchou» (en amont de la concession du forgeron Pantchou). Même en voyance les forgerons sont des références certaines. Le voyant vous parlera par exemple de votre grand-mère qui avait épousé un forgeron, ou d’un tel dont la concession était voisine à celle d’un forgeron.
Est-ce que cette technique ancestrale de production du fer peut être utilisée pour manufacturer le fer pour utilisation locale?
Tout à fait! J’ai fait des calculs qui montrent que pour assurer de l’eau potable pour 150 personnes pendant 3 ans (40 mois plus précisément), il fallait 200 kg de fer seulement. Je ne sais pas quelle charge un fourneau traditionnel peut produire par opération. Même si une opération produit seulement 10 kg, on a 20 opérations pour 3 ans. Nous pouvons construire des nouveaux fourneaux pour nos besoins actuels.
C’est ici que l’Élite peut se mettre au service des peuples en encourageant les tests de production et la caractérisation du matériau obtenu. Une fois cela fait, le Département du NDE par exemple, peut avoir 1, 2 ou 3 unités de production de fer pour desservir ses quatorze villages. Un tel projet soudera davantage les fils du Ndé dans « un seul village » comme aiment le chanter Serge Nya et Réné Ben’s (entre autres).
La beauté de cette technologie c’est que le résidu des filtres est l’oxyde de fer qui est la matière première pour la fabrication du fer métallique. Des unités de production seront donc là pour synthétiser le fer métallique et recycler les oxydes de manière autarcique. Pas besoin d’experts de la ville ou d’outre-mer! Pas de perte de devises…
Dans une ville comme Douala, où il y a des puits à chaque mètre, peut-on aussi utiliser cette technique ancestrale?
Bien sûr que les filtres à fer sont utilisables partout mais dans les grandes villes la synthèse à petite échelle ne serait pas rentable. Au lieu de manufacturer soi-même son fer, on pourra avantageusement envisager l’emploi du fer à béton et pomper l’eau de puits pour les traiter dans des petites stations desservant chacune peut-être 10 à 20 familles. On pourra ainsi créer des emplois en ville. Mais surtout il faudra encourager les populations à quitter les grandes villes pour s’installer en petites communautés en banlieue par exemple.
Nous te remercions pour cette grandiose application d’une simple technique ancestrale, as-tu un message aux jeunes scientifiques africain(e)s?
La jeunesse scientifique Africaine doit être ambitieuse et utile. Je vais révéler comment je suis venu au traitement des eaux. Quand j’ai fini mes études de Chimie et que j’étais Chargé de TD et TP (travaux dirigés et travaux pratiques) à l’Université de Yaoundé ma petite sœur Carole qui passait en deuxième année Industrie d’Habillement (IH au CETIF de Ngoa Ekélé) m’a cousu un sac au dos «Afritude» vraiment mignon. Cela m’a amené à réfléchir sur ma vraie valeur et mon utilité pour la société. Voilà comment j’ai décidé d’utiliser «ma» chimie pour traiter l’eau. Je suis passé par des étapes difficiles pour atteindre ce résultat et à chaque pas Carole, mes innombrables sœurs et frères, mes parents et grand-parents vivant et morts étaient toujours avec moi chaque jour à chaque minute. Jeunesse Africaine, Crois en l’Universalité de la Science et demande toi ce que tu peux faire pour que ton peuple se porte mieux.
Un message pour le peuple africain?
Je lui demande de ne JAMAIS introduire de l’eau de javel dans les puits. Introduire l’eau de javel dans un puits est une opération très hasardeuse et toujours fausse. Cette opération viserait à désinfecter l’eau. Or le volume exacte d’eau dans un puits ne peut être connu. Alors il y a deux cas de figures. Soit la dose est faible et l’effet globale est nul (zéro désinfection), soit l’eau de javel est en excès et l’excédent est un danger.
Pour la prochaine semaine, gros plan sur l'association CDD e.V. dont Mr. Chicgoua est membre.
© Camer.be : Réalisation, Lydie Seuleu

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